Le Grand Nord-Kivu, qui regroupe les villes de Beni et Butembo, plus les territoires de Beni et Lubero, connaît une instabilité qui dure depuis plusieurs années. Face aux massacres fréquents de civils par les différents groupes armés, notamment les ADF, et malgré les efforts des forces armées de la République (FARDC) appuyées par les casques bleus de la MONUSCO, une frange de la population semble avoir perdu confiance en l’Etat, y compris son partenaire la MONUSCO, indique Jean-Tobie Okala, MONUSCO Beni.
En août 2022, après les malheureux incidents survenus à Butembo, ville située à 54 km au Sud de la ville de Beni (quatre casques bleus morts et une dizaine de civils), les quatre coordinations de la société civile du Grand Nord-Kivu s’étaient fendues d’une déclaration dans laquelle elles rompaient « toute relation avec la MONUSCO » jusqu’à nouvel ordre. Motif : la Mission onusienne ne remplissait pas parfaitement son mandat de protection des civils, selon ces structures citoyennes. Une déclaration qui avait alors mis à mal la relation société civile-MONUSCO.
« Vous savez que la MONUSCO n’est pas invitée seulement pour le cas de la stabilisation, mais c’était aussi beaucoup plus pour la sécurisation de la zone, puisque le gouvernement qui se sentait un peu incapable a appelé son partenaire pour son appui. Alors, comme la persistance de l’insécurité a été toujours ressentie dans la zone, la population a développé un sentiment de méfiance, non seulement vis-à-vis de la MONUSCO, mais de toutes les autorités de la République », explique le président de la société civile de Lubero, Tafuteni Muhindo Waleyirwe.
Mais, dans la pratique, le dialogue entre les deux partenaires n’avait jamais véritablement été rompu. La MONUSCO, à travers la Section des Affaires civiles, a organisé moult activités avec différentes organisations de la société civile, que ça soit à Oïcha, chef-lieu du territoire de Beni, ou dans la ville de Beni, à Lubero…
Nouveau départ
Le mardi 26 novembre 2024, dans la ville de Beni, la Section des Affaires civiles de la MONUSCO a convié les quatre coordinations de la société civile du Grand Nord-Kivu pour se parler, et renouer officiellement le dialogue à travers un atelier de deux (02) jours sur le thème : « engagement et échanges avec la société civile ».
L’objectif étant donc de reprendre la collaboration, pour un nouveau départ dans les relations entre les deux partenaires :
« L’année 2025 doit être l’année du changement des méthodes de travail entre la MONUSCO et la société civile. Les populations ne doivent pas nous juger sur le nombre de projets que nous faisons, ni sur le nombre d’ateliers ou de séminaires que nous organisons. Nous allons être jugés sur notre capacité à lutter contre la criminalité dans la ville de Beni, nous allons être jugés sur notre capacité à lutter contre les ADF», a rappelé Abdourahamane Ganda, le chef du sous-bureau de la MONUSCO à Beni.
Le président de la société civile de Lubero n’est pas autre chose : « A propos de cette méfiance, on suppose que s’il y a un changement de stratégies, on pourra s’attendre à ce que cela puisse encore ramener la confiance avec la MONUSCO qui est en train de partir, et au même moment, l’autorité de la place aura aussi à gagner la confiance de la population ».
Et déjà, une première annonce a été faite pour montrer la volonté de la MONUSCO de changer de cap et de stratégies. Abdourahamane Ganda promet qu’une fois par mois, avec la société civile, une sorte de bilan d’étape sera fait de ce qui a été fait au cours du mois : « Tous les premiers jeudis de chaque mois, on va s’assoir pour faire le bilan. La MONUSCO, vous avez fait ceci, ce n’est pas bon, changez… Vous avez fait cela, c’est bon, continuez. Mais nous aussi, nous devons être en mesure de les apprécier. Qu’ils mettent leur bilan sur la table. Une société civile n’est pas que critique, mais elle doit faire des propositions constructives », prévient-il.
Il s’agira donc, pendant ces deux jours, de voir comment contribuer au renforcement de la confiance et de la collaboration entre la MONUSCO et la Société civile du Grand Nord-Kivu dans la mise en œuvre du mandat de la MONUSCO pour la protection des civils et la stabilisation.
Feuille de route
Beaucoup d’attentes donc de part et d’autre. La tenue même de cet atelier est déjà un pas vers la « normalisation » des relation entre les deux partenaires. Mais du chemin reste encore à parcourir, pour obtenir l’engagement formel des quatre coordinations de la société civile du Grand Nord-Kivu, à renouer officiellement leur collaboration avec leur partenaire naturel, la MONUSCO.
Les 56 participants à l’atelier, dont 8 femmes, vont devoir plancher sur des thèmes tels que :
- Mandat de la MONUSCO et vue d’ensemble du travail et réalisations dans le Grand Nord;
- La transition : objectifs, acteurs, et rôle de la Société civile;
- Protection des civils, la MONUSCO en appui aux forces de sécurité et aux autorités : responsabilités et contribution de la Société civile;
- Lutte contre les rumeurs et la désinformation : quelle contribution de la Société civile ?;
- État des lieux de la Société civile, attentes et préoccupations en relation avec le mandat actuel et futur de la MONUSCO.
À l’issue de cet atelier, une feuille de route sera élaborée, définissant de nouvelles stratégies de collaboration entre la MONUSCO et la société civile.
L’atelier va se clôturer ce mercredi, avec, espère-t-on de part et d’autre, des recommandations innovantes et concrètes, pour sceller les retrouvailles entre ces deux partenaires clés de la protection et de la stabilisation dans la province du Nord-Kivu.
Bienvenu Katava