La démarche est plutôt inhabituelle : afin d’éviter de tomber dans la désinformation et propager de fausses rumeurs sur la MONUSCO, une dizaine de journalistes (dont trois femmes) des localités d’Eringeti et Oicha dans le territoire de Beni au Nord-Kivu, sont venus ce mercredi 6 novembre 2024, « s’informer sur la MONUSCO et son rôle » au quartier général de la Mission onusienne à Boikene à Beni. C’est, disent-ils, dans l’objectif de mieux comprendre ce qu’est la MONUSCO, ce qu’elle fait, ses limites…, et déjà, comment elle est arrivée en RDC, pour mieux informer en retour la population, a indiqué Jean-Tobie Okala, de la MONUSCO/Beni.
« Dans la Bible, Jesus dit : mon peuple périt par ignorance. Nous avons sollicité ce renfoncement de capacités pour mieux comprendre ce qu’est la MONUSCO, ce qu’elle fait, quelles sont ses limites, mais aussi ses priorités… En fait, la population et nous, qui sommes professionnels de médias, avons constaté que nous faisons des confusions, nous avons des préjugés sur la MONUSCO. Nous pensons connaitre ce qu’elle est, mais en réalité, du tout, ou très peu. Nous aimerions mieux comprendre afin que nous puissions mieux informer en retour notre communauté, et cela ressort des différentes manifestations qui ont eu lieu, où on a vu que les gens se sont attaqués aux casques bleus de la Monusco, parce qu’ils ne savaient pas leur mission… Nous avons souhaité nous rapprocher de la MONUSCO, pour nous former en quelque sorte ; comme ça, lorsque nous entendrons des discours de haine ou des rumeurs, que nous ne puissions pas tomber dans le piège de la mésinformation et de la désinformation, un fléau qui ronge notre métier », a expliqué d’emblée Shukurani Wanzire Nyavyete de la radio télé Ebeneza d’Oïcha.
Lors de ses différentes interactions avec la population, la MONUSCO a toujours invité toutes les couches sociales à « venir s’informer à la source », plutôt que de se contenter des rumeurs. Joignant donc la parole à l’acte, ces professionnels de médias ont passé une demi-journée ce mercredi au quartier général de la MONUSCO à Beni, pour se faire expliquer l’origine de cette Mission qui va fêter ses 25 ans d’établissement en RDC à la fin de ce mois. De la MONUC à la MONUSCO (depuis 2010), il a également été question d’expliquer le mode de financement de la Mission, l’origine des casques bleus, comment s’élabore une résolution qui donne mandat à la MONUSCO, ce que dit la dernière résolution sur la RDC, comment la MONUSCO exécute ses mandats, avec quels résultats, etc.
« Cette session de formation m’a permis de faire la lumière dans mon esprit. Je viens de découvrir plein de choses, que nous ignorions, qui sont souvent à la base des incompréhensions entre une partie de la population et la MONUSCO. Avec ce bagage acquis aujourd’hui, il sera difficile de me laisser encore manipuler au sujet de la MONUSCO. On reçoit chaque jour des jours des photos et vidéos sur la MONUSCO… Avant, c’était facile de penser que la MONUSCO est l’un des acteurs principaux de l’insécurité à l’Est, comme certains le disent, mais vraiment par ignorance… Désormais, je saurai faire la part entre fake news et information », a déclaré Shukurani Wanzire Nyavyete, de la radio télé Ebeneza d’Oïcha.
D’acise Kibonde est journaliste à la radio Muungano d’Oicha. Elle salue cet échange qui lui permet désormais d’avoir une meilleure compréhension de la MONUSCO. Et d’éviter les confusions d’avant :
« Nous sommes venus pour échanger avec la MONUSCO afin de mieux comprendre ses actions. Cet échange a été très bénéfique, car il va nous servir, en tant que journalistes, dans la rédaction de nos articles. Nous avons demandé cette formation, motivés par le contexte sécuritaire difficile de notre région, où circulent de nombreux messages de haine et de désinformation. Grâce à cet échange, nous avons désormais une meilleure compréhension du rôle de la MONUSCO : elle n’est pas ici pour mettre fin seule aux conflits, mais pour soutenir le gouvernement congolais. En tant que journalistes, nous avons la responsabilité de relayer des informations correctes et de collaborer pour renforcer la paix dans notre région. Si vous voulez parler de la MONUSCO, il est préférable de vous informer auprès d’elle pour éviter de diffuser des informations erronées qui peuvent enflammer la communauté. Comme on dit souvent, la parole peut être une arme qui sauve ou qui détruit », explique-t-elle.
Jean-Bienvenu Kambala a pris part lui aussi à cette « formation ». Cet autre journaliste la radio télé Ebeneza d’Oïcha, reconnait avoir « beaucoup appris » :
« Nous avons beaucoup appris, nous avons été outillés par rapport au mandat de la MONUSCO, quelque chose qui était obscur pour nous. Avec la capacitation d’aujourd’hui, désormais, je serai en mesure d’informer la population en évitant la désinformation par rapport à la MONUSCO ».
Et de recommander :
« Nous autres, venons de bénéficier de cette sensibilisation ; mais il y a une population, le bas peuple, qui reste à la maison, qui sont dans les rues, une maman dans sa cuisine, une pauvre ménagère qui ne sait rien par rapport à la MONUSCO. Nous souhaitons que la MONUSCO fasse des sensibilisations de masse, qu’elle aille vers le bas peuple pour qu’il comprenne ce que fait la MONUSCO… Ces sensibilisations de masse pourraient aider ce bas peuple, ces ménagères, même ces jeunes garçons qui courent dans les rues en train de crier, sans savoir ce que fait la MONUSCO, à mieux comprendre les actions de la MONUSCO, surtout qu’elles sont en faveur de la population ».
En septembre 2024, la MONUSCO a organisé une série de 10 sensibilisations à travers les territoires de Beni et Lubero, mais aussi les villes de Beni et Butembo, avec la participation de l’Inspection provinciale de la Territoire. Toujours autour de son mandat. Auparavant, entre mai et juin 2024, dix autres sensibilisations avaient été organisées à travers la ville de Beni et à Oicha (chef-lieu du territoire de Beni). Avec des jeunes, femmes, la société civile, des artistes, motards, journalistes, administrateurs de groupes WhatsApp… Régulièrement, la Mission organise des sensibilisations autour de son mandat.
Un groupe WhatsApp [Comprendre la MONUSCO] a été créé à l’issue de cet échange : pour poursuivre les discussions et la « formation », en ligne cette fois.
Bienvenu Katava